
Le Responsable du Fonds Monétaire International en charge du Maroc, qui vient d’achever sa mission de consultation, a publié une déclaration en ce début de Janvier 2021, résumant les points de vue du Conseil d’administration du FMI sur la situation du Maroc.
Roberto Cardarelli, le chef de Mission a d’emblée fait le constat que l’activité économique avait fortement ralenti au premier semestre 2020 sous l’effet combiné de la crise sanitaire et de la forte sécheresse qui a affecté la production agricole, faisant ainsi reculer la production céréalière de 39 % par rapport à l’année dernière.
Roberto Cardarelli – Chef de Mission du FMI pour le Maroc
Ce ralentissement économique a entraîné, selon lui, une augmentation du taux de chômage à 12,7% au troisième trimestre de l’année, alors qu’il était de 9,4% l’année précédente !
Mais le plus inquiétant pour le FMI est le taux de pauvreté qui devrait augmenter à 6,6% en 2020, alors qu’il était de 4,8% en 2014, et la vulnérabilité à la pauvreté également passer à 19,9% alors qu’elle était de 17,1% en 2019…
La crise, informe le FMI, a frappé les exportations du Maroc du fait de la faiblesse de la demande étrangère, en particulier parmi les partenaires commerciaux de la zone euro, ce qui a conduit à une forte contraction des exportations de biens les 10 premiers mois de 2020, dans l’automobile, l’aéronautique et le textile.
Le déficit du compte courant s’est creusé principalement en raison de la baisse sans précédent des recettes touristiques qui ont enregistré une baisse 60% au cours des 10 premiers mois de l’année par rapport à la même période en 2019.
Ce sont ces chiffres alarmants qui ont suggéré aux équipes du FMI de recommander aux autorités monétaires du Royaume de procéder à un nouvel élargissement de la bande de fluctuation du dirham, en attendant la reprise des recettes du tourisme et des exportations qui devraient conduire à une amélioration progressive du déficit du compte courant, estimée à près de 4 % du PIB, mais pas avant…2025 !
Pour rappel, au début de la pandémie du Covid19, les autorités monétaires marocaines avaient élargi la bande de fluctuation du dirham de ±2,5% à ±5%, par rapport au cours fixé par Bank Al-Maghrib, en prévision de chocs externes.
« La situation actuelle pourrait être favorable à un assouplissement supplémentaire du régime de change », a indiqué le chef de la mission du Fonds chargé du Maroc, Roberto Cardarelli, au cours d’une conférence de presse, qui s’est tenue ce mardi 5 janvier 2021, en visio-conférence.
M.Cardelli note par ailleurs une détérioration de la situation budgétaire, principalement due à la baisse en recettes fiscales, malgré l’augmentation des dépenses du secteur public financées par les contributions »volontaires » privées et publiques au Fonds Covid-19.
Le déficit du compte courant a augmenté en 2020 en raison de la baisse du tourisme, ce qui fait craindre au FMI une croissance du PIB marocain de – 7,2% en 2020 pour hypothétiquement rebondir en 2021 à 4,5 %, si toutefois les effets de la sécheresse et de la pandémie diminuent et que la politique monétaire et budgétaire soit maitrisée.
« L’équilibre sera très difficile à trouver », a reconnu Cardarelli notant l’incertitudes persistante à propos de l’activité économique a ajouté ce responsable au FMI, qui a dénoncé par ailleurs le manque de transparence et la nécessité de réduire le nombre de fonds budgétaires spéciaux et Comptes Spéciaux du Trésor, dont la dotation est isolée du processus d’allocation budgétaire annuelle !
En effet, ces fonds fragmentent et rendent incompréhensibles, tant l’élaboration et la mise en œuvre opérations budgétaires, mais diluent également les responsabilités concernées par les orientations fiscales et leurs objectifs sociaux.
Pour l’institution financière internationale, il est nécessaire de commencer à réduire, graduellement, le niveau de la dette du Trésor qui a dangereusement augmenté, et qui devrait atteindre près de 77 Milliards d’Euros en 2020, ce qui constitue près de 80 % du PIB, alors que les réserves de change n’atteignent pas les 28 Milliards d’Euros !
Alors que le ratio Dette/PIB a augmenté d’environ 11 points de pourcentage de PIB à fin 2020, l’institution financière internationale dont le siège se trouve à Washington DC, a souligné que si les réserves en devises sont au-dessus du niveau de l’année précédente, c’est surtout grâce au recours au financement, tant intérieur qu’extérieur…
Notons que le Maroc a décidé de rembourser par anticipation une partie des 3 milliards de dollars empruntés en avril 2020, avant de d’emprunter près de 3 milliards d’euros sur le marché international !
Le 08 Décembre 2020, le Maroc a émis trois obligations libellées en monnaie américaine pour un total de 3 milliards de Dollars, comprenant une obligation à 7 ans de 0,75 milliard de dollars américains à 2,375% de taux d’intérêt, une obligation à 12 ans de 1 milliard de dollars américains avec un taux de 3%, et enfin une obligation à 30 ans de 1,25 milliard de dollars pour un taux de de 4% !
« Le niveau de la dette sur le long-terme pourrait devenir source de vulnérabilité », a expliqué le chef de la mission du FMI pour le Maroc, au cours de la même conférence de presse en visioconférence.
Si les administrateurs ont convenu que la politique d’endettement budgétaire a soutenu les ménages et les entreprises atteintes par la pandémie du Covid19, le représentant du FMI averti que l’assainissement budgétaire devrait reprendre dès la fin de la crise sanitaire.
Le FMI demande la poursuite de la mise en œuvre de la stratégie nationale de lutte contre la corruption, dont les autorités marocaines estiment les coûts économiques situés entre 5 et 7% du PIB !
Par ailleurs, lorsque M. Cardarelli évoque le système du secteur bancaire, qui a jusqu’à présent relativement bien résisté à la crise, il recommande toutefois de continuer à suivre de près l’impact de la crise sur les actifs bancaires, notamment grâce à des tests de résistance réguliers.
Il faut dire que le Maroc fait face à une montée inégalée des impayés et des créances en souffrance, ce qui a poussé les établissements bancaires à considérablement augmenter leur provision pour se préparer à absorber les risques sur leur portefeuille de crédit.
Sur le chapitre des réformes structurelles que le gouvernement doit entreprendre, le FMI juge particulièrement prioritaires la réforme de la protection sociale et celle des entreprises publiques, tout en insistant sur la nécessité d’accélérer la réforme de l’Administration, à travers, notamment, la digitalisation des services publics.
Même si le représentant du FMI a révélé quelques points positifs sur les réponses apportés à des certains problèmes et les efforts engagés, l’évaluation globale concernant la situation au Maroc établie par l’institution de Bretton Woods reste très inquiétante pour le quotidien et l’avenir des sujets de Royaume.
C’est ce qui expliquerait pourquoi l’information ait été si peu fidèlement rapporté par les médias Marocains. Dommage…
Bachir Outaghani
bachir.outaghani@protonmail.com
Poster un Commentaire