Chronique. L’Algérie au bord du précipice ?

Ces dernières années, le nombre de personnes pessimistes à l’égard du futur de l’Algérie n’a cessé de croître, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, au discours savamment relayé par des ‘’spécialistes de la question Algérie’’ sur les réseaux sociaux et une presse sensationnelle perpétuellement aux aguets.

Certes, le gouvernement algérien a depuis toujours cultivé, telle une constante nationale, un culte du secret et de la réserve qui laisse percevoir comme une permanente opacité et un manque chronique de communication, arrivé à son comble avec la maladie du président Abdelaziz Bouteflika et sa succession prochaine durant la présidentielle de 2019.

Toutes les actions liées à l’activité de l’Etat, souvent normales, sont alors perçues ou présentées comme autant de signes ou de ballons d’essai envoyés en direction de l’opinion publique par le ‘’régime d’Alger’’, tentant ainsi d’en tester les interprétations pour un réajustement, ou du moins afin de prévenir les réactions à d’hypothétiques changements futurs…

Certains vont jusqu’à déclarer que le système en Algérie est au bord de la faillite, ses dirigeants dans l’incapacité à trouver des solutions liées au développement et aux sorties de crises répétitives, une situation que risquera d’exploiter un courant islamiste largement répandu au sein d’une population désespérée…

La situation actuelle de l’Algérie leur donne malheureusement raison.

Des réserves de change qui fondent, une politique sociale inadéquate, une liberté d’expression semi muselée, une opposition inexistante ou mise au pas, un système de santé défaillant, une justice partiale, une élite absente, une jeunesse abandonnée… Beaucoup de maux sans remèdes visibles.

Aidés par la rumeur et les réseaux sociaux, des scénarios noirs rappelant la révolte de 88 ou la décennie noire, sont partagés par des certains cercles de décisions ou activistes aux desseins peu avoués poussent à l’émeute, à la révolte ou à une révolution…

Les effets de la médiocre gestion économique, centralisée et obsolète, menée jusque-là ont été plus ou moins atténués par des décisions sans réelles visions sur le long terme. Nous pouvons citer comme exemples la tolérance face à l’informel qui fait survivre des pans entiers de la société algérienne en marge des lois, mais également par une ruineuse politique de subventions ou d’aides aux jeunes à travers des dispositifs peu créateurs de richesses.

La rente tirée des revenus des hydrocarbures étant endigués par ‘’un pouvoir réel composite où s’entremêlent l’armée, l’influence des services de renseignement, des puissances financières plus ou moins occultes…’’ si bien résumé par Karim Amellal, Romancier, essayiste et enseignant à Sciences Po.

C’est de ce terreau composé d’une frustrante injustice et de revendications légitimes à une vie meilleure, que se nourrissent les partis extrémistes, islamistes ou sécessionistes, aidés par une société traditionaliste, conservatrice et peu politisée, mais également par un discours importé qui s’est développé dans notre pays.

Mais est-on au bord de l’explosion pour autant ?

Tous les derniers indicateurs et classements présentent l’Algérie en situation de développement et ayant besoin de diversification et d’ouverture de son économie et de modernisme par rapport à son administration et sa bureaucratie.

L’Algérie n’est pas certes pas encore décrite comme une démocratie, mais elle ne représente pas une dictature non plus. Les lois de la République souffrant plus du manque d’application que de leur absence.

Censées bâtir les socles d’un État solide, les réformes entreprises et les nombreuses initiatives de développement, jusque-là conjoncturelles, n’avaient qu’un seul objectif : permettre à ce système de se maintenir.

Il n’est plus possible d’admettre que la constitution, qui a été modifiée à deux reprises ces vingt dernières années et risque même de l’être à nouveau, ne le soit uniquement pour le maintien du système.

Une Deuxième République s’impose.

La paix sociale à tout prix et la stabilité sécuritaire ne pourront plus à terme justifier les fraudes électorales ou masquer le niveau important des taux d’abstentions. La crainte viendra plus par la continuité d’un système de corruption et de castes autour de nouveaux hommes d’affaires influents, et de décideurs politiques reconvertis pour s’accaparer des confortables revenus que procurent les marchés publics.

La lutte antiterroriste remportée par l’Armée Nationale Populaire (ANP) ne constitue pas l’unique remède à l’Algérie, la lutte contre la corruption est une bataille que l’Algérie ne doit également pas perdre.

La plupart des grands marchés lancés dans le secteur des hydrocarbures, des travaux publics ou des transports seraient pour la plupart entachés d’irrégularités que seule une presse libre a pu mettre à jour à destination de lecteurs désabusés par l’impunité d’une justice aveugle et sourde.

C’est cet argent détourné qui manquera pour des projets d’hôpitaux, d’écoles ou d’universités…

L’Algérie a certes réussi à offrir un logement décent à des populations en situation de précarité et a raser des bidons villes et pour cela nous ne pouvons que nous en enorgueillir.

Même si le taux de chômage est encore important, les récentes décisions de création de wilayas déléguées avec des pouvoirs étendus aux Walis ne peut que préluder à une décentralisation et à une meilleure prise en charge des attentes d’une population qu’une politique d’austérité et de réduction de dépenses publiques soumet à la débrouillardise ou à la violence.

Car qu’est-ce que le phénomène de la ‘’harga’’ si ce n’est une réaction violente à la mal-vie, à l’absence de perspectives et à l’injustice pour ces milliers de jeunes candidats à l’exil au péril de leur vie ?

‘’C’est le Système Algérie qui en créant un fossé entre lui et les capacités vives du pays qui est à l’origine de ce phénomène, qui faut-il le rappeler, n’avait jamais eu lieu dans l’histoire même pendant la décennie noire’’ commentera un jeune citoyen.

L’Algérie a toutes les compétences pour ouvrir le champ à un nouveau projet de société basé sur une justice forte, des institutions réellement représentatives et souveraines, une économie dynamique, une administration décentralisée, un système éducatif efficient pour les millions d’élèves, futurs universitaires et élite de notre pays. Ils seront le seul rempart contre le chaos.

‘’L’Algérie de 2019 n’est pas dans une situation confortable, mais elle n’est pas dramatique, l’Algérie n’est pas un pays pauvre, ni au bord de l’explosion, mais un pays qui continue, avec de graves faiblesses, à se développer tant bien que mal dans un environnement régional pour le moins déstabilisant’’ notera Karim Amellal.

Cette impasse dans laquelle se trouve l’Algérie est source d’inquiétude pour nombre d’entre nous, mais elle est également une formidable opportunité pour lancer une réflexion profonde sur son futur et sur les bases d’un Etat fort.

Une initiative, si elle est bien menée, permettra à l’Algérie de résister à n’importe quel courant, clan ou autres détracteurs !

Des centres de recherches et développement dans chaque université, un programme éducatif en adéquation avec les besoins économiques et orientations du Pays, l’ouverture du secteur des télécommunications et le développement massif de la Fibre, l’orientation vers des pôles industriels spécialisés, une totale refonte et la mise à niveau de l’administration, la privatisation des entreprises publiques, encouragement de l’initiative privée… autant de chantiers qui laisseront à l’Etat un rôle de régulateur, s’attelant à un contrôle et un suivi des projets. Avec obligations de résultats cette fois.

Simple réflexion.

Djazair Djazairi.

Photo. Réseau international
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