Enquête exclusive. Comment le marché de BeIN Sports a été “détourné” en Algérie

Dans nos précédentes éditions nous étions longuement revenus sur les dysfonctionnements de l’administration centrale, dues principalement à l’impunité quasi-totale de certains hauts responsables.

Ceci ne peut être possible sans l’efficacité de leurs réseaux d’influences, tissés au fil de leurs longues carrières, qui bien souvent dépassent les 20 années au sein d’un même service. Cela fait d’eux de véritables petits empereurs, dont la longévité n’a d’égal que leur capacité de nuisance qui prend sa substance dans le trafic d’influences.

Par ailleurs, nous avions également dans une précédente enquête, mis en évidence le pouvoir occulte de certains directeurs centraux au sein de l’administration qui agissent derrière un rideau, à l’abri des regards, à coup de notes et de circulaires vidant ainsi de leurs substances toutes les lois à leur guise.

Ces parias de l’administration sensés servir le peuple en appliquant la loi, vont jusqu’à remettre en question l’application de ces mêmes lois et conventions internationales, publiées sur le Journal Officiel et ratifiées par le Président de la République !

Ils se permettant ainsi le luxe d’interpréter les dites lois en fonctions de leurs intérêts et ceux de leurs amis avec qui ils ont intérêts, sans crainte aucune de se substituer ainsi aux magistrats de la cour suprême !

Nous allons dans cet article revenir sur ce qu’on avait appelé l’affaire beIN, ou plus précisément l’affaire SOS MOBILE ou comment l’administration fiscale a réussi à mettre fin à une entreprise de droit algérien détenue par des algériens, résidents en Algérie…

Le procédé est aussi simple que classique dans sa cruelle injustice, infliger un impôt avec effet rétroactif d’une part, et d’autre part, pousser l’abus jusqu’à exiger illégalement un impôt prévu de manière exclusive aux entreprises étrangères…

La loi de finance complémentaire de l’année 2009, dans son article 31 est pourtant claire :

« Les impôts, droits et taxes dus dans le cadre de l’exécution d’un contrat et légalement incombant au partenaire étranger, ne peuvent être pris en charge par les institutions, organismes publics et entreprises de droit Algérien ».

Comment se débarrasser définitivement d’un concurrent gênant, lanceur d’alerte !

 

Nous allons vous apporter une implacable démonstration sur les infâmes raisons qui ont poussé l’Administration Fiscale à faire disparaître, juste pour arranger les affaires de quelques amis, une entreprise qui a pourtant versé en 4 ans au Trésor Public, plus de 2,5 milliards de DA (250 milliards de centimes) !

Le grand classique de ces dictateurs administratifs est leur volonté délibérée à vouloir entretenir le flou, en noyant les lecteurs dans des explications très techniques afin de se donner raison, nous allons, à notre tour, tenter d’éclairer nos lecteurs sur le fonctionnement de cette activité et mettre la lumière sur les agissements de l’Administration de manière simple et accessible.

Jusqu’au 31 décembre 2013, la réception satellite des chaines beIN (anciennement AL JAZEERA SPORT) se faisait sur la base d’un cryptage simple dont le procédé de base remontait aux années 90.

Il s’agissait d’une carte intelligente pré-activée et prépayée munie d’un code de décryptage interne pouvant fonctionner sur n’importe quel récepteur satellite.

L’importation de ces cartes se faisait après ouverture d’une Lettre de Crédit et selon un dédouanement classique du fait qu’il s’agissait d’une carte, donc d’un matériau physique.

A partir du 01 Janvier 2014, faisant suite à la lutte contre le fléau du piratage, l’opérateur détenteur des droits d’exploitation à mis en place un nouveau système de cryptage et de sécurisation qui consistait en un kit sécurisé composé de plusieurs éléments que sont :

Un récepteur numérique HD dédié.

Une carte Intelligente de nouvelle génération.

Une activation des droits de réception.

A noter que lors de notre enquête, nous avons pu constater que les trois composants du kit de réception sont indissociables, c’est à dire qu’à aucun moment l’une de ces parties ne peut être utilisée sans les deux autres.

A cet effet la société SOS Mobile avait procédé à l’importation d’une grande quantité de décodeurs en prévision de la coupe du monde de 2014, au même moment elle avait engagé une demande d’attestation de transfert de fond aux services des impôts pour la partie immatérielle du kit, que sont les droits de réceptions.

Cette attestation est exigée par les banques pour tous transferts concernant des produits immatériels tels les redevances, les services, le consulting, la formation…

L’attestation de transfert de fonds est délivrée par l’administration fiscale compétente, celle-ci procède à l’examen préalable de la situation fiscale de l’entreprise demanderesse, puis définit elle-même le pourcentage de retenue à la source avant chaque transfert vers le fournisseur et ce, conformément aux dispositions de l’article 182 ter du code des Impôts direct et taxes assimilées.

Une fois l’attestation dûment établie, les montants sont transféré définitivement à l’étranger sans aucune possibilité de rappel.

SOS Mobile a donc suivi la procédure en vigueur au niveau de l’administration fiscale pour pouvoir honorer les montants dus, sur les droits de réception et d’exploitation du bouquet beIN.

L’administration fiscale statue sur le dossier de SOS MOBILE en Avril 2014 et exige, par écrit, une retenue à la source libératoire de 5%conformément à la convention bilatérale qui lie l’ALGERIE et le QATAR, en plus du paiement de 3% de taxes de domiciliation fiscale sur le montant global de chaque facture.

Autrement dit, le Trésor Public perçoit ainsi 8 % du montant de toutes les factures dues.

Contre toute attente, en Juin 2014, à la veille de la coupe du monde de football, SOS MOBILE est destinatrice d’une correspondance signée par Mr KESKES en sa qualité de Directeur des impôts de Wilaya à Bir-mourad Raïs, lui signifiant la suspension de délivrance des attestations de transfert ainsi qu’une requalification du régime de retenue à la source avec effet rétro actif…

Cette demande « anti constitutionnelle » émanait de Mr ZIKARA, qui au moment des faits ici relatés, était Directeur de la Législation Fiscale (DLF) à la Direction Générale des Impôts, avant d’être désigné Directeur Généralpar intérim de l’institution fiscale.

Au même moment, trois équipes d’inspections sont dépêchées par Mr GUIDDOUCHE,l’Inspecteur Général des Services Fiscaux (IGSF) pour examiner de façon approfondie le dossier SOS MOBILE, sous l’œil bienveillant d’un de ses fidèles collaborateurs en la personne de Belkacem DERRADJI.

L’IGSF d’un côté la DLF de l’autre, La machine à broyer se met en place !

 

Mr ZIKARA avait, pour motiver son action, mis en avant le non-respect par le Directeur de wilaya Mr KESKES, des dispositions de la note n°81 du 30 janvier 2014.

Cette note, dont nous détenons une copie, détermine les procédures d’exonérations partielles ou totales de la retenue à la source, au titre de l’application des régimes conventionnels dans le cadre des accords bilatéraux qui lient notre pays à d’autres nations, notamment en termes de non double imposition.

Dans cette note n° 81, Mr ZIKARA exige de toutes les directions de wilayas en Algérie, une consultation préalable à chaque demande de transfert de fonds, avant de pouvoir bénéficier d’un quelconque régime conventionnel.

Cette note stipule clairement que ce dispositif d’acceptation préalable par SEUL Monsieur ZIKARA, concerne les contrats des marchés publics et ne mentionne nullement les entreprises privées comme SOS MOBILE et beIN Media Group !

Nous reviendrons plus en détail sur le dispositif mis en place par Mr ZIKARA en ce qui concerne le régime conventionnel dans nos prochaines éditions.

Par ailleurs, nous avons découvert lors de notre enquête qu’un autre document avait été transmis à Mr KESKES, ce document contenait une réponse destinée à un autre distributeur algérien de beIN, nommé GTS PHONE et appartenant à Monsieur LOUNIS Saïd.
Ce document exige en fait de GTS PHONE, une retenue à la source de 24 %, montant dont il ne s’est jamais acquitté… Ainsi Mr ZIKARA pour justifier sa décision tendant à éliminer SOS MOBILE, crée en fait un dangereux précédent, qu’il a tenté de faire passer pour un souci d’équité des contribuables devant l’impôt.

Mr ZIKARA aurait-il, dans sa précipitation à nuire, fait preuve d’amateurisme ?

 

En effet, nous verrons plus loin qu’en réalité, GTS PHONE importait des abonnements en usant de tout un autre process, nettement plus désavantageux pour le trésor public, ce qui qui laisse clairement affirmer que l’action de ZIKARA faisait partie d’un stratagème élaboré uniquement pour réduire à néant l’activité de SOS MOBILE.

Le document présenté, mis à votre disposition, a été produit alors que la société GTS PHONE ne se trouve nullement dans la zone de compétence du Directeur de Wilaya à Bir-mourad Raïs, puisque elle est domiciliée à Kouba et donc relavant de la Direction des impôts de WILAYA au niveau de Sidi Mhamed.

De plus, ce document concerne les rechargements virtuels, ce qui diffère totalement de l’activation de droits de retransmission pour des décodeurs numérique déjà importés et dont les droits de douanes ont été payés avec un taux de 30% et une TVA de 17 % tels que cela nous a été confirmé par les services de douanes.

A la même période, les services de contrôle douanier avaient procédé, à postéori et dans une parfaite synchronisation, à un examen approfondi du dossier de SOS MOBILE, sur ordre du Directeur Général des Douanes : Mr Abdou BOUDERBALA.

Alors Mr ZIKARA a-t-il prit la peine, avant d’agir, de consulter le dossier de SOS Mobile et de lire le contrat liant SOS MOBILE et beIN ?

Nous sommes tenté de répondre par la négative parce que nous avons découvert avec stupéfaction que la société concurrente de SOS MOBILE dénommée GTS PHONE, sise à Kouba – le deuxième distributeur de beIN en ALGERIE – n’avait jamais procédé à la moindre demande d’attestation de transfert de fond et ne s’était jamais acquittée des 3% de taxes de domiciliation fiscale, ni de retenue à la source d’un quelconque montant…

Bien au contraire, les montants figurants sur les factures de GTS PHONE étaient transférés dans leur intégralité, la taxe de domiciliation imposée représentant un forfait d’un montant de 10 000 DA…

Ainsi, grâce à des connexions certaines à la Direction Générale des Douanes, GTS PHONE a pu bénéficier d’une position outrageusement avantageuse, lui imposant des droits de douanes ne dépassant pas les 5%.

Pour résumer, SOS Mobile devait 5+3+7= 15% en taxes, alors qu’a GTS PHONE, il n’était exigé que 5+ 7= 12% en taxes, un enfant de maternelle pourra nous très certainement nous affirmer que 15% pour le trésor est nettement plus avantageux que 12% !
A qui profite le crime ?

Selon les résultats des investigations que nous avons menées auprès des services compétents et l’enquête menée auprès des professionnels du secteur, nous avons pu vérifier que, entre le début de son activité en Mai 2010 et Juin 2014, GTS PHONE peinait difficilement à atteindre 20% de parts de marché. Nous avons constaté que cette tendance s’était radicalement inversée dès juin 2014…

Cette entreprise, que l’administration avait privilégiée, suite à l’imposition abusive dont a fait l’objet SOS MOBILE, a eu pour conséquence l’arrêt net de l’activité de cette dernière suite au blocage des comptes bancaires détenus au niveau de l’ARAB BANK.

 

A qui profite le crime ?

 

A GTS PHONE bien sûr, qui une fois débarrassé de son plus grand concurrent, s’est retrouvé dans la position confortable du distributeur exclusif.

Pour finir, nous avons appris que Mr ZIKARA avait été convoqué dans cette affaire pour être entendu par la justice, à l’audience publique qui devait avoir lieu le 19 Octobre 2017, l’audience a été reportée, ZIKARA ne s’étant pas présenté, sous prétexte qu’il était DG par intérim des impôts… Ne serait-il pas justiciable selon lui ?

Ce n’est, en tout cas, pas l’avis de Monsieur le Juge du Tribunal qui a exigé sa présence le 16 Novembre 2017.

Va-t-il se présenter à la convocation de la Justice ? Aura-t-il le courage de venir défendre ses collègues auquel il avait donné des instructions illégales, ou profitera-il d’un statut particulier en République Algérienne ?

Nous vous tiendrons informés de la suite de cette affaire dans nos prochaines éditions avec plus de révélations !

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