
Après avoir entendu M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur, le mardi 13 novembre 2018, la commission des lois du Sénat, réunie le mercredi 28 novembre 2018 sous la présidence de M. Philippe Bas, président, a examiné, sur le rapport pour avis de M. François-Noël Buffet, les crédits alloués par le projet de loi de finances (PLF) pour 2019 à la mission « Immigration, asile et intégration ».
Le rapporteur a tout d’abord rappelé le dynamisme actuel de l’immigration régulière et salué les efforts enfin consentis en matière d’intégration, qui mettent en œuvre des préconisations anciennes et récurrentes du Sénat concernant l’accueil des étrangers primo-arrivants : meilleure insertion professionnelle, doublement des cours de langue, valeurs républicaines, etc.
Il a néanmoins regretté que le Gouvernement persiste à refuser d’abroger la « circulaire Valls », ou au minimum d’en durcir les règles, alors qu’elle a contribué à l’augmentation des régularisations de plus de 30 % en cinq ans.
En matière d’immigration de longue durée, 242 665 premiers titres de séjour ont été accordés en 2017, soit une augmentation de + 5,3 % par rapport à 2016. Ce dynamisme reste porté par les régularisations d’étrangers : même si les admissions exceptionnelles au séjour se sont stabilisées à 30 950 en 2017
Selon le rapport du sénat, dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2019, la mission « Immigration, asile et intégration » représente 1,86 milliard d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 1,69 milliard d’euros en crédits de paiement (CP), en hausse de + 38 % en AE et de + 22 % en CP par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2018.
En matière d’immigration temporaire, après avoir baissé entre 2015 et 2016, le nombre de visas délivrés par la France reprend sa tendance décennale à la hausse. Ainsi, en 2017, il atteint 3,30 millions, enregistrant une hausse de + 11,5 %.
Cette tendance à la hausse n’entraînera cependant pas cette année une augmentation des financements : le montant alloué à la politique des visas reste de 520 000 euros. Le risque de sous-budgétisation est réel car les gains d’efficacité attendus de la modernisation des procédures par le projet « France Visas » ne se sont pas poursuivis au rythme annoncé.
Malgré des hausses ponctuelles bienvenues, le rapporteur a estimé que les moyens programmés par le projet de loi de finances pour 2019 étaient fondés sur des hypothèses irréalistes et restaient notoirement insuffisants au regard de la réalité des phénomènes migratoires auxquels la France est aujourd’hui confrontée.
A titre d’exemple, la prise en charge des frais afférents à l’exercice du droit d’asile représente toujours près des trois quart des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », soit 1,35 milliard d’euros en AE (autorisations d’engagement) et 1,21 milliard d’euros en CP (crédits de paiement) dans le PLF pour 2019.
Ainsi, au risque de fausser d’emblée la sincérité de sa programmation budgétaire, le Gouvernement prévoit une stabilisation de la demande d’asile en 2019 et en 2020, alors même que la France reste exposée à une demande d’asile sans précédent (+19 % début 2018), et à des flux secondaires qui ne se tarissent pas (depuis l’Italie et l’Espagne). Faute de moyens suffisants, ni les délais cibles de traitement des demandes d’asile en six mois, ni l’objectif de 86 % de demandeurs d’asile hébergés ne semblent tenables.
Enfin, dans le domaine de la lutte contre l’immigration irrégulière, le rapporteur a relevé que l’effort budgétaire se concentrait presque uniquement sur la création de 450 nouvelles places en centres de rétention administrative.
Alors même que la France fait face à un phénomène d’immigration irrégulière important et persistant, les crédits de la lutte contre l’immigration irrégulière ne représentent environ que 8 % de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Les taux d’occupation atteignent des records, les personnels sont extrêmement sollicités, cela aura pour conséquence la non prise en compte du doublement de la durée de rétention votée cette année (renforts de personnel encadrant, activités des retenus, accompagnement associatif).
Alors que le Gouvernement ne semble toujours pas en mesure de réaliser un quelconque suivi des déboutés du droit d’asile, il n’est guère étonnant que les politiques d’éloignement des étrangers en situation irrégulière soient en échec total. Le taux d’exécution des obligations de quitter le territoire français reste à un niveau dérisoire en 2017 et, pire, il continue encore à baisser cette année : sur les six premiers mois de 2018, 12,6 % des décisions d’éloignement seulement ont été exécutées (50 838 prononcées, mais seulement 6 406 exécutées).
Au regard de ces constats, et à l’invitation de son rapporteur, la commission des lois a émis un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » inscrits au projet de loi de finances pour 2019.
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