
Le 30 Avril dernier, après de nombreux reports, le projet de loi sur la santé a été adopté par l’Assemblée Nationale (l’APN). Les 470 Articles du projet ont, selon les défenseurs du projet, introduit de nouvelles dispositions pour s’adapter aux profondes mutations de la société algérienne.
Ainsi un observatoire national de la santé a été prévu pour proposer des recommandations et donner des avis sur la politique nationale de la santé à travers un rapport annuel qui sera remis au Ministre de la santé.
De même l’instauration d’un médecin référent, qui est un médecin généraliste lequel suivra le malade tout au long de sa vie, constitue une excellente perspective.
Il permettra par exemple d’anticiper certaines maladies génétiques présentes dans la famille du patient ou de prévenir la survenue de certaines pathologies…
La carte électronique de santé ou le dossier médical unique prévus dans ce projet de loi, permettront d’identifier le malade sur l’ensemble du territoire national et gagner du temps en cas d’urgence.
La commission de santé mentale de Wilaya est encore un autre bel exemple de l’implication de l’Etat dans le suivi et la gestion des malades atteints de troubles mentaux.
Cette loi a également prévu la création d’un corps d’inspecteurs de contrôle d’infractions en matière de santé. Une interdiction leur est imposée quant au contrôle de structures de soins appartenant, directement ou pas, à des proches ou des parents.
Autant de dispositions intéressantes et modernes pour le système de santé en Algérie.
Mais ce projet de loi contient certaines incohérences et contradictions de taille, qu’il y a lieu de relever ou de dénoncer…
L’article 12 du projet de loi sur la santé a bien prévu la gratuité des soins pour tous les citoyens, pourtant dans le chapitre 4 du même projet relatif au financement du système de santé, l’article 348 annonce que les bénéficiaires de soins peuvent être appelés à contribuer au financement des dépenses de santé.
Est-ce là une première étape et une porte ouverte vers la fin officielle des soins gratuits ?
L’article 20 de ce même projet parle de non-discrimination du malade dans l’accès aux soins, pourtant des cas précis nous indiquent bien le contraire, comme pour les différents types de stents coronaires actifs ou la membrane de dialyse existants en Algérie et dont la qualité diffère selon le prix.
Ainsi, les malades capables de payer plus cher le produit de qualité, seraient moins exposés aux effets du produit de moindre qualité acquis moins cher… Un non sens par rapport à l’esprit de cette loi.
Cette même loi sur la santé ne prévoit aucunement certaines dispositions imposées par des directions du Ministère de la Santé comme le programme d’importation.
Ce programme que chaque importateur de produits médicaux doit faire signer par les services de la Direction de la Pharmacie qui, d’ailleurs, ne compte aucun pharmacien !
Il faut savoir que chaque importateur dispose déjà d’un agrément qui l’identifie, de même que tous les produits qu’il importe sont enregistrés après avoir été soumis à une obligation de présentation d’une série de documentation et à une batterie d’homologations sur la sécurité la qualité et l’efficacité des produits pharmaceutiques et des dispositifs médicaux…
Ce fameux programme, que vient rendre caduc l’article 216 du projet de loi sur la santé, n’est plus qu’un document bureaucratique supplémentaire et arbitraire, dont les critères d’obtention ne sont inscrits nulle part et qui pourrait s’apparenter à un simple outil pour ralentir la disponibilité ou bloquer l’importation de produits pharmaceutiques ou de dispositifs médicaux dans notre pays.
”Car comment concevoir que ce programme annuel puisse être signé et transmis à certains importateurs au dernier trimestre de l’année, voire même ne jamais être approuvé, parce que des responsables, inamovibles au sein de cette direction depuis plus de quinze ans tels Mr Hafed H., n’acceptent pas qu’on leur en conteste ce droit qu’ils s’arrogent injustement et qui favorise certains et pas d’autres’’, nous affirme un importateur de produits médicaux qui tient à garder l’anonymat.
Sachant qu’un Laboratoire National de Contrôle des Produits Pharmaceutiques avec pour mission le contrôle de la qualité, sécurité et efficacité des produits pharmaceutiques a été déjà été créé en 1995…
Une commission chargée, auprès du Ministre de la santé, de l’établissement de la liste des produits pharmaceutiques et des dispositifs médicaux a certes été créé, mais ne devrait-elle pas être indépendante et placée sous la coupe d’une autorité de régulation dont les membres auraient un mandat d’une année ou deux au plus, afin d’éviter que les laboratoires ne puissent intervenir avec leurs méthodes et actions insistantes pour influencer les décideurs ?
Il est, par ailleurs, surprenant qu’un décret signé par le Président de la République, concernant les hôpitaux mixtes, ait été publié au journal officiel le 18 avril 2018, sans même que la loi sanitaire votée par le parlement le 30 Avril n’y fasse une seule référence dans les 72 pages du projet de loi…
Il est également étonnant, après six mois de grève des médecins résidents et en l’absence apparente d’une issue de sortie à ce conflit, que cette loi ne consacre que deux articles dans son chapitre 5 sur les dispositions relatives au service civil.
Elle met au contraire l’Etat en défaut dans son article 205 stipulant que ” l’Etat assure les moyens matériels…nécessaires à l’exercice de l’assujetti au service civil’’. Ce qui est bien loin des cas rapportés par les résidents, les spécialistes, ou les malades eux-mêmes…
Enfin, le plus étrange est tout de même l’article 232 de cette loi qui annonce la création d’une agence nationale des produits pharmaceutiques sous la tutelle du Ministère de tutelle.
Or, il a déjà été procédé à l’ouverture opérationnelle de cette agence, dont le siège se situe à Staouéli, en 2017 sous l’ancien Ministre de la santé Abdelmalek Boudiaf. Un décret lui avait même été consacrée dans le journal officiel N° 44 en…2008.
Les concepteurs de la nouvelle loi de la santé et les députés ignoraient ils l’existence de cette agence ? Manifestement oui et si tel est le cas il est dommage de laisser un sujet aussi grave, qu’est la santé des algériens, être appréhendé avec une telle négligence…
Et là encore, rien n’est dit sur les possibles conflits d’intérêt susceptibles d’atteindre les membres de cette commission, à l’instar d’un ancien collaborateur d’IMC RENADIAL employé actuellement dans une Direction importante du Ministère de la Santé…
Le projet de loi sur la santé est à ce titre incomplet, d’autant plus qu’à la fin de la plupart des articles, il est fait mention que les modalités d’application de ces articles seront fixées par voie réglementaire…
Poster un Commentaire